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Bad Boys
9 août 2006

Chapitre 13 :

Brad frottait, encore et encore, son corps qui lui semblait répugnant pour tenter d’enlever la saleté qui semblait s’être incrusté. C’était la troisième fois qu’il se lavait dans la douche de son client, monsieur Côté, mais ne se sentait toujours pas nettoyé. Jamais encore, on l’avait traité de la sorte. On l’avait peut-être battu, enchaîné, un peu maltraité mais jamais de cette façon… On ne lui avait jamais fait… ça… Brad se mit à trembler et quelques larmes coulèrent, continuant de frictionner son corps maigrichon avec la débarbouillette savonneuse.

Combien de kilos avait-il pu perdre en un mois ? 10 ? 15 ? Il l’ignorait mais sait que le désarroi avait remplacé sa faim de nourriture par son appétit de drogue. Il ne mangeait désormais qu’une seule fois par jour pour économiser le peu argent qui lui restait. En effet, Brad avait pratiquement tout flambé tout le fric qu’il avait retiré au premier jour de sa fugue et ne pouvait plus le faire, comme son compte a été gelé.

À vrai dire, Brad n’avait pas pu vraiment oublier Flavien. En fait, il pensait souvent à lui. Le souvenir de l’amour qu’ils avaient partagé durant leur seule semaine de vie commune semblait détruire Brad. Il ne s’était jamais remis du fait que tant de bonheur mutuel avait pu être ruiné, ces sentiments conjoints annihilés rien que par une décision stupide, irréfléchie de sa part. Tous les soirs, l’adolescent serrait fort contre lui l’oreiller empreint du parfum de Flavien, s’imaginant à quel point il aurait pu être heureux avec lui en ce moment sans ce choix. Tous les jours, le brun allait vérifier qu’il n’avait pas rêvé à ce bonheur et qu’il avait bel et bien existé. Ouvrant, de ce fait, un bottin téléphonique, il cherchait le nom de Flavien, comme s’il voulait s’assurer qu’il existait vraiment. Le jeune garçon passait même quelques fois devant son appartement, tant il voulait se réconforter… Ses amis avaient remarqué son état. Charles faisait de son mieux pour lui remonter le moral mais Brad niait sa douleur. Falbo, lui, le gavait d’héroïne, l’incitant toujours à en prendre de plus en plus pour calmer cette douleur…

Après 45 minutes de douche, en ce 22 décembre, Brad finit par sortir avec un air imperturbable, une fausse allure qu’il adoptait pour ne pas craquer. Côté avait toujours les mains qui sentait encore ses gestes de tout à l’heure, la pièce empestait aussi mauvais. Brad en frissonna de dégoût, un haut-le-cœur le prenant. Le client s’approcha du jeune, tout en sortant plusieurs billets rouges de son portefeuille ainsi qu’en donna une bonne dizaine à Brad.

« Est-ce suffisant, 500 ? »

Brad resta obstinément aussi distant, détestant l’homme plus que tout. Non, ce n’était pas trop de la haine qu’il éprouvait mais plus le choc d’avoir vécut un cauchemar à cause de ce type étrange avec sa déviance sexuelle dégoûtante. Aucun montant d’argent, aussi élevé soit-il, ne pourrait racheter l’humiliation qu’il venait de subir. Le prostitué revoyait encore les excréments sur sa poitrine, les mains sales de Côté qui le masturbait, et tout qui s’enchaînait d’une façon aussi crasseuse … Le goût âcre à sa bouche alors que le vieillard bandait en contemplant son malheur…

« C’est plus que suffisant, monsieur. Merci beaucoup. »

Côté lui adressa un grand sourire sincère mais honteux, comme s’il avait préféré que l’inhabituel en lui aurait été capable de se contrôler de ses pulsions qu’il retenait depuis si longtemps. Brad, toujours enfermé dans sa tête, prit les billets.

« J’m’excuse, mon gars. Je me fais peur moi-même… J’regrette. »

En entendant les excuses honnêtes du monsieur, Brad fut un peu choqué d’entendre de tels regrets, ayant une féroce envie de l’envoyer « manger de la merde » dans le sens figuré du terme. Cependant, il savait que la remarque aurait fait sourire de nouveau Côté car elle était trop de circonstances. Brad lui dit, à la place :

« Y’a rien là. Au revoir. »

Côté le salua chaleureusement puis Brad se tira rapidement de là, tout traumatisé. La pute avait mal au ventre car son estomac ne semblait pas avoir toléré le nouveau régime auquel Côté l’avait un peu forcé à adopter, cet après-midi. Même la saveur écœurante ne semblait pas partir après une bouteille complète de rince-bouche. En marchant, Brad se mit à renifler sous la douce neige tombant, retenant son mal. Autour de lui, tout le monde semblait si joyeux, rassemblant leurs emplettes pour les fêtes et lui, si malheureux, si en détresse. Il arriva vite tout près du trou, voyant au loin, à l’entrée du magasin Américain à grande surface d’en face, un Père-Noël qui accueillait les enfants. Comme il n’y avait personne au trou, Brad décida d’aller faire un tour au magasin. Il eut l’idée de faire une petite fête pour Noël, entre eux, pour donner un peu de joie.

Celui-ci se promenait dans les allées bondées, errant simplement près du rayon des cosmétiques. Un arôme familier vint lui taquiner les narines et les papilles olfactives. Le jeune, se rapprochant, vit une bouteille de l’agréable parfum que portait Flavien qui était fracassée par terre. Les larmes lui revinrent alors, une autre fois, aux yeux, pris de tremblements. Il n’arrêtait pas de se répéter que s’il n’avait pas été assez stupide pour laisser Flavien, il n’aurait pas eu à tolérer toute cette douleur et les fantasmes du scatophile. Ça aurait tellement différent, il aurait pu vivre heureux et… avec lui. Recroquevillé sur lui-même, il pleura encore une fois un bon coup avant de se faire saluer par une voix qui lui semblait connaitre. Un simple et courtois lancé près de lui :

« Allo. »

Brad releva la tête et n’en crut pas ses yeux. C’était lui, le Rédempteur, le Messie ! Alléluia ! C’était Flavien ! Brad lui sauta dans les bras, pleurant autant mais souriant. Il bénit le ciel d’avoir redonné SON Jésus pour qu’il vienne le sauver. Flavien fut terriblement surpris d’une telle réaction mais n’osa pas le repousser, trop stupéfait. Brad essuya ses larmes du dos de sa main et avoua :

« Tu m’as terriblement manqué ! »

Flavien, lui, avait l’air plutôt terriblement embarrassé et mal à l’aise. Brad le remarqua pour le relâcher en s’excusant :

« Désolé… J’ai réagis un peu trop vite. »

« C’est pas grave. »

« Ça va, toi? »

« Oui… mais pas toi, comme j’peux voir… »

« T’as pigé. Ta vie, elle va bien ? »

« Pas mal. Toi, tu remontes la pente ? »

Brad avait l’air si sombre alors qu’il répliqua :

« Quand je n’suis pas à jeun, on peut dire que c’est moins pire. »

Alors, ne suivant que son désespoir et son cœur, Brad prit la main de Flavien en le suppliant d’un regard très pitoyable :

« Je t’en prie, reprends-moi. Depuis ma décision imbécile, j’me sens tellement mal, j’en peux plus d’être séparé de toi. J’ai le cœur qui se rompt en deux… j’t’aime tellement… »

Flavien se sépara de la main d’un geste rapide, encore plus perturbé.

« Je comprends mais je ne peux pas. Ça me causerait encore plus de problèmes. »

Brad insista :

« Mais, Flavien, s’il te plait… J’vis p’us, j’mange p’us, j’dors p’us ! La seule chose qui me fait vivre un peu c’est l’héro. J’me suis fait chier dessus tantôt pour avoir l’argent qui me permettrait d’oublier, l’espace d’un moment, ce qui m’arrache le cœur. J’t’aime tellement quand j’me déteste tant. Sauve-moi, Flavien, j’t’en prie. »

Les gens autour commençaient à faire des commentaires, à se retourner pour les observer. Flavien en devint rouge, tout gêné d’être épié et jugé, et dit à Brad qu’ils devraient en discuter ailleurs. Cependant, Brad continuait de lui scander son amour sans y prêter attention, le priant encore de revenir avec lui. Soudainement, un gars à la peau noire un peu enveloppé, vint enlacer Flavien par derrière, plaquant ses lèvres dans son cou. Cet homme dit :

« Je suis de retour, chéri… »

Brad devint bouche bée avant de baisser la tête, humilié. Il fit un faux sourire, empreint de tristesse, et leur souhaita :

« J’espère que tu vas être heureux Flavien… Avec un gars plus vieux que moi, plus normal et moins braillard que moi. J’m’en doutais tellement, j’aurais dû savoir qu’il n’existait pas de bonheur et d’amour pour moi dans ce monde… même pas d’espoir. »

Brad s’éloigna et le malaise en Flavien était grandissant. Brad marcha sans s’arrêter jusqu’à ce qu’il fut sortit depuis longtemps de leurs champs de visions. Par la suite, la rage s’empara de lui et, d’un geste tout simplement impulsif, il donna un coup de pied dans une étagère, faisant s’écrouler tout ce qui y était. Un employé, désemparé de devoir tout ramasser, vint le disputer mais celui-là l’envoya promener :

« Criss, tu peux bien chialer ! Tu t’es même pas fait chier dessus aujourd’hui alors ne vient pas dire que ton travail est forçant ! Puis va t’faire foutre, caliss ! »

L’employé fut outré et Brad se défoula sur lui, de toute sa colère, pendant bon moment. Enragé à son tour, l’employé lui montra la porte pour que Brad la prenne bien vite. Dehors, tout le poids de ce qu’il vivait lui tomba dessus. Seul. Il était seul au monde maintenant, sans aucune foi pour le garder en vie. Dans sa tête, la voix de son ancien amoureux repassait sans arrêt : « J’t’abandonnerai jamais, Brad. Je te le jure… Même si on se sépare, j’vais t’aider quand même à t’en sortir… J’t’aime Brad. ». Les sanglots de Brad recommencèrent, il se repliait par terre à nouveau, cédant sous le coup des émotions. La tempête continuait, de tomber et les clients heureux, passaient à côté de Brad sans même se soucier de lui. Bob, en sortant, lança une pièce de 2$ sur la tête de Brad, faisant rire Flavien. Brad recala encore plus dans sa peine. La noirceur tomba très rapidement, le froid devenait insupportable.

« Si seulement, j’pouvais mourir gelé… », Songea Brad. « Au moins, personne ne me regrettera et je serai enfin sorti de cet enfer… »

Ce soir-là, Flavien fit une bonne soupe tandis que son amoureux, Bob, passa la soirée avec lui. Ils mangèrent, collés sur le divan tout en écoutant un excellent film romantique. Flavien souriait de bonheur. Bob était si attentionné et charmant. Avait-il finalement trouvé la bonne personne ? Cependant, lorsqu’il ferma les rideaux de la fenêtre du salon, avant d’aller rejoindre Bob dans le lit, Flavien eut une petite pensée pour Brad, qu’il chassa en vitesse. Il avait espéré, sans s’en apercevoir, que Brad était au chaud et non toujours en train de geler devant l’établissement comme tout à l’heure…

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