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Bad Boys
9 août 2006

Chapitre 1 : La proposition

Les murs gris de la polyvalente St-André vibraient au son du chahut, traduisant le retour des élèves dans l’établissement scolaire. L’école secondaire reprenait vie en ce beau lundi de novembre. Il n’avait rien de bien particulier, on revenait en classe avec un vague demi-sourire pour sourire pour certains, un air renfrogné pour d’autres. Partout, il y avait des amas de jeunes se racontant leur fin de semaine. Alcool, sexe et promenades en VTT étaient à l’ordre du jour, la réalité étant très souvent exagérée pour répondre au besoin de sensationnalisme des copains. On se devait d’impressionner, de se faire la compétition à l’attention. L’ambiance, malgré tout, était animée de cette énergie spéciale et contagieuse dont sont porte-paroles les adolescents.

Cependant, isolé et caché dans un escalier, entre les murs de briques blanches, un jeune homme du nom de Brad tentait de tuer le temps avant le début du premier cours. Grâce à son apparence aux traits d’un homme majeur, il pourrait très bien entrer dans tous bars sans crainte d’être carté. Mais, plutôt agoraphobe, Brad n’était aucunement intéressé à sortir son nez de sa chambre le samedi soir. Les foules l’étouffaient et lui faisaient mal en dedans. Elles lui rappelaient trop la détresse d’être seul et méprisé. Il préférait bien mieux d’être solitaire que d’être entouré de gens, car il ne risquerait pas d’être rejeté à tout bout de champ comme ça.

Il faut dire que, au début de cette histoire, Brad n’avait aucun compagnon et n’avait pas la moindre idée qu’il irait se caler vraiment profondément dans le merdier. Il ignorait encore ce qui l’attendait pendant qu’il poirotait avec ennui.

Pourquoi est-ce que Brad était rejeté de ses pairs ? Sans contexte, on pourrait croire que ses camarades ne le trouvaient pas beau, mais ce n’était pas le cas. Brad avait une triste beauté androgyne, un visage aux traits doux et douloureux, de jolis yeux bleus, de somptueux cheveux noirs…

La cause viendrait sûrement de sa famille : des bourgeois américains. Son père, Rich est dirigeant d’une énorme entreprise multinationale. L’usine du quartier mettait sans cesse à pied plusieurs vaillants et fidèles employés pour se payer de la main-d'œuvre bon marché au Mexique, en Chine ou ailleurs. C’était pour ça que la famille d’Rich Spitfire était méprisée par toute la ville. Les parents ont prévenu leurs enfants de se méfier du fils unique d’Spitfire, Brad. Sans même donner une chance à ce dernier de prouver sa bonne foi, les enfants ont délaissé le petit garçonnet, à l’époque… et ont continué, sans que Brad soit responsable de quoi que ce soit.

Pourtant, Brad n’est pas comme son père Rich. Brad le sait et le croit : la vie riche et bourgeoise n’est pas faite pour lui. Le fils méprise toute valeur monétaire et tout ce qui est superficiel. Les autres le détestait sans même le connaître, savoir ces opinons face à sa situation parentale. Et, il s’était juré, dès qu’il en aurait l’âge, de quitter ce milieu prétentieux sans jamais y revenir. Il restait deux ans et demi ! Songea-t-il. Deux ans et demi avant sa majorité, la liberté… !! Peut-être se trompait-il fortement dans son compte à rebours ?

La foule d’adolescent dans le corridor s’est dispersée, laissant passer délibérément un jeune homme : Charles Patenaude, 17 ans, bad boy jusqu’à la racine de ses cheveux dressés. La démarche du mauvais garçon était très décontractée, son passage laissait une vapeur âcre s’émaner des vêtements de ce dernier. Selon les rumeurs, cet arôme proviendrait de l’herbe de « Marie-Jeanne » dont il abuserait. Malgré le physique peu imposant du délinquant, il semblait que les autres élèves lui devaient un grand respect. On admirait l’arrogance avec laquelle le rebelle répondait au personnel étudiant, valorisait les cours qu’il séchait, ses faibles notes… À vrai dire, Charles est l’inverse total de Brad. Aucune ressemblance à première vue. Le fils richissime craignait fortement les gens du genre de Charles, les trouvant immoraux et peu fréquentables, car ils étaient la catégorie de gens qui se moquait le plus de lui. Celui-ci, quant à lui, avait remarqué Brad dans sa solitude et avait pour but de le sortir de celle-ci. Il avait un peu de bon cœur, au fond.

La journée se déroula normalement pour les deux garçons jusqu’à deux heures quinze. Brad sentait que sa vessie était sur le point d’exploser. En règle générale, il patientait pour se soulager à la maison, car il avait cette phobie totalement légitime et gênante de se retrouver dans les toilettes publiques. Malgré tout, cet après-midi-là, il n’eut d’autre choix que de surmonter sa crainte, car la torture était trop forte. Brad, malgré lui, changea son habitude et demanda à l’enseignante s’il pouvait aller se vider la vessie aux commodités. Celle-ci accepta. Il sortit de la classe et descendit lentement l’escalier qui le menait au rez-de-chaussée sans se douter qu’au prochain tournant, sa vie changerait à jamais. Le destin allait faire son travail.

Il tourna et entra dans les toilettes pour hommes. Brad eut immédiatement un haut-le-cœur. Une odeur forte d’urine emplissait la pièce et ce n’est certainement pas les murs beiges jaunis qui viendraient enlever ce sentiment d’être prisonnier dans un endroit insalubre. Les jambes de Brad se mirent à trembler d’effroi et de dégoût de devoir évacuer son surplus de liquide dans un endroit aussi peu accueillant. Avant d’avoir eu le temps de se choisir une cabine, un autre adolescent fit irruption dans la pièce. Brad le reconnut tout de suite, c’était Charles Patenaude qui avait un immense sourire. Brad, effrayé comme jamais, se dit que l’humiliation de se soulager dans ses caleçons en pleine classe devrait être minime comparée à la crainte qui le saisissait à ce moment même… Surtout que l’autre ado le regardait intensément et Charles vit bien que le pauvre garçon était pétrifié et lui demanda : « Ça ne va pas, Spitfire? »

Brad s’abstint de répondre, craignant maintenant encore plus pour sa sécurité. Il était terrassé de terreur et de fortes douleurs au bas-ventre le martelaient. Mais il ne serait jamais capable de se soulager dans de telles circonstances ! Charles s’approcha un peu plus de l’autre garçon, assez pour que ce dernier puisse sentir le souffle de l’autre dans son cou.

« Écoute, Spitfire, recommença Charles, se faisait rassurant. Je ne suis pas un ennemi. »

Brad ne le crut pas. Ses jambes reprirent une certaine force et il courut s’embarrer dans une cabine. Il attendit que Charles finisse par partir pour enfin se libérer d’une grande douleur et de son urine. Il se lava les mains ensuite dans le lavabo, étant très dégoûté, qui avait sûrement servi d’urinoir si on se fiait à l’odeur qui s’en échappait.

Brad prit ensuite une grande bouffée d’air frais en dehors de la pièce. C’est à ce moment que Charles revint le voir, sortant de nulle part. L’intrus se fit insistant, mais toujours aussi calme et doux : « J’vais t’appeler par ton prénom et peut-être que tu vas enfin m’écouter. Brad, il faut que je te parle. »

L’interpellé dévisagea son interlocuteur, incertain. Brad ne pouvait pas voir pourquoi le pire des rebelles voudrait lui parler et il lui répondit sèchement qu’il ne voulait rien entendre et de le laisser tranquille. Charles, toujours aussi pacifique et déterminé, ne baissa pas les bras.

« Brad, tu ne peux pas passer ta vie seul et isolé comme tu l’es là. Ce n’est pas en t’entêtant que tu vas changer ta situation. »

Brad rétorqua instantanément qu’il n’avait besoin de personne. Mais pour qui il se prenait lui ?! Cependant l’humeur et le ton de Charles ne changèrent guère, tentant toujours de prouver qu’il était sincère : « Tant mieux pour toi, alors. Moi, je te proposais de te sortir de ta solitude, mais tu ne veux rien savoir. Fais comme tu veux et reste coincé. »

Charles lui tourna le dos et commença à s’en aller. Brad eut soudainement des remords. Et si le mauvais garçon était vraiment honnête et qui voulait l’aider ? Le riche le regarda partir un bon moment avant que ce dernier partit se griller une cigarette dehors, près de la porte d’entrée de l’école. Brad se chicana un moment avec sa conscience, ne sachant plus s’il devait accepter l’amitié de cet adolescent qu’il craignait ou s’il devait la refuser en continuant sa vie tout seul. Sur ce dilemme intérieur, Brad retourna en classe. La Conquête de la Nouvelle-France était devenue le dernier de ses soucis et écoutait d’une oreille très distante.

Pensif, il avait beau virer et revirer toutes les situations possibles et tout les scénarios inimaginable. Mais c’était le choix le plus irrationnel qui revenait toujours, ça le hantait. Plus les minutes défilaient et plus il y pensait. Il se dit qu’il pourrait bien laisser une chance à Charles, peu importe le dénouement. Il devait bien vivre avec les conséquences de ses choix.

Dès que la cloche annonça la fin du dernier cours, à deux heures quarante-cinq, Brad dévala les marches et courut dans les corridors à une vitesse folle. Il chercha désespérément Charles, mais ne le trouva pas. Alors, Brad se dit qu’il devait déjà être parti d’ici. Notre ami entra à la maison, déçu de ne pas avoir pu accepter sa proposition.

La soirée fut très longue et pénible pour lui. Monsieur Rich Spitfire avait reçu un rapport gouvernemental expliquant les importantes failles environnementales de son usine. Tout y passait, que ce soit les fumées toxiques aux soles contaminés tout en passant par la toilette qui tirait la chasse toute seule. Rich, furax, se défoula sur tout autour, profitant pour blâmer Brad à la moindre occasion, et ce, sans raison valable. Alors, ce dernier alla se coucher tôt, incapable de tolérer ce torrent de rage. Ça lui prit bien du temps à s’endormir, comme à l’habitude, il passa en revue toute la journée dans sa tête, regrettant encore de ne pas avoir accepté l’aide de Charles. Ce qu’il était idiot. Il fallait qu'il le fasse.

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